La tourbe est bien plus qu'un combustible. Elle est l'âme des whiskies écossais fumés, une matière organique dont la richesse et la complexité proviennent de millénaires de transformation. Elle se forme dans les régions marécageuses, humides et pluvieuses, et se compose de sphaigne, de bruyère, de mousses, d'ajoncs et de bois, ainsi que d'autres végétaux. Dans les régions côtières, elle s'enrichit également de sable et d'algues, conférant des arômes salins uniques. Il faut environ 3 000 ans pour produire un mètre de tourbe, certaines tourbières des Orcades atteignant plus de 10 000 ans.
L'arc-en-ciel des arômes fumés
La tourbe n'apporte pas un arôme unique, mais un vaste éventail de saveurs. Ce sont les phénols qui se dégagent de sa combustion qui infusent le malt d'orge, créant une palette aromatique d'une richesse infinie. Les gaïacols, les crésols, les phénols et les éthylphénols contribuent chacun à une sensation de fumée aux aspects très différents :
Terreux / Médicinal / Cendré / De charbon / Animal / Maritime / De réglisse / De goudron / De fumée de bois / De poudre à canon
Du PPM à l'intensité en bouche
Lorsque l'on parle de l'intensité de la tourbe, on se réfère à une mesure en PPM (Parts Per Million) sur l'orge maltée. Les malteries modernes peuvent produire des malts ultra-tourbés à plus de 100 ppm et les mélangent ensuite avec du malt non tourbé pour ajuster le taux selon la demande des distilleries. L'intensité est traditionnellement divisée en trois catégories :
Légèrement tourbée : de 1 à 5 ppm
Mi-tourbée : de 10 à 20 ppm
Fortement tourbée : de 30 à 60 ppm
Ces chiffres sont toutefois en constante évolution, avec des éditions qui explorent les extrêmes. Les premiers whiskies Octomore, par exemple, affichaient des taux de 80 ppm, grimpant jusqu'à 258 ppm pour le 6.3 et même 309 ppm pour le 8.3. Bien que des éditions récentes comme le 9.1 (156 ppm) et le 13.3 (129,3 ppm) soient revenues à des niveaux plus modérés, elles témoignent de l'incroyable potentiel de cette mesure.
Au-delà de la mesure : l'alchimie finale
Il est important de noter qu'il existe une différence significative entre la mesure de la tourbe sur l'orge et le résultat final dans le verre. La quantité de phénols qui survivent au processus de distillation dépend de nombreux facteurs :
La taille et la forme de l'alambic.
L'inclinaison du col de l'alambic.
La vitesse de la distillation et des points de coupe.
Le vieillissement en fût, l'oxydation et la réaction avec le chêne.
Ainsi, la tourbe est une source de saveur d'une richesse incomparable, façonnée par l'environnement et l'artisanat du distillateur. Un héritage qui couvre environ 12% de la superficie de l'Écosse, et qui continue de faire rêver les amateurs.
Nous y reviendrons à maintes occasions, dans nos commentaires de dégustation notamment, en abordant la "Tourbe Insulaire" versus, la "Tourbe Continentale" , L'indice phénolique "PPM" versus "L'intensité Perçue". Le PPM mesuré dans le Malt avant distillation, où avant la période de vieillissement; L'équilbre entre "Tourbe" et Fumée". Tout une plage de sujets à approfondir au fils des thématiques traitées.