La France a commencé à produire de l’eau-de-vie à partir de la vigne en 1310 à Eauzé dans le Gers au pays de l’armagnac, à des fins thérapeutiques. C’est à travers un traité de 1310 qui détaille les 40 bienfaits de « laygue ardente » (l’eau ardente).
Au 17ème siècle dans un traité d’agriculture de 1668, la France semble toute aussi prédisposée que l’Ecosse et que l’Irlande au développement d’une eau-de-vie de céréale à des fins de consommation populaire et dès le 18ème siècle, le genièvre, un alcool de grain aromatisé aux baies de genévrier, prend son essor dans le Nord.
Alcool de grain versus alcool neutre : L’alcool neutre est un alcool à 96% sans arôme, utilisé dans la fabrication de boissons alcoolisées 1. Il est obtenu par distillation de matières premières telles que betterave, mélasse, pomme de terre, céréales, moût de raisin, raisin et autres fruits, et qui ne présente aucun goût détectable 2. Il est également possible de préparer de l’alcool neutre à partir d’eau sucrée, de levure et de distillation
Vers 1710, Louis XIV lance une enquête de mesure des effets de l’eau-de-vie sur la santé. Celle-ci dure 3 années et la conclusion en est la suivante :
« Seule la consommation d’eau-de-vie de vin est bénéfique », et un décret du 24 janvier 1713, interdit strictement de fabriquer des eaux-de-vie de sirop, de mélasse, de grain, de lie,…
Bref, toutes eaux-de-vie autres que celles issues du vin.
C’est donc sous couvert d’une mesure de santé publique, et pour contrer l’offre explosive de production de sirop de mélasse en provenance des colonies (des iles à sucre), que l’histoire de la distillation en France connait un coup d’arrêt violent.
La révolution en 1789 voit la levée de l’interdiction, mais en 1815, l’éruption du volcan Tambara en Indonésie, éjecte d’immenses quantités de poussière dans l’atmosphère et provoque un hiver volcanique, plongeant l’Europe dans la famine. Le peu de récolte et par conséquent « tous les grains » sont réservés à l’alimentation.
C’est alors en 1843, qu’un brasseur d’Ille et Vilaine, demande et détient l’autorisation de distiller ses grains avariés.
10 ans plus tard s’ouvre la 1ère distillerie de grain en France et propose un alcool blanc, « l’alcool de l’Abbaye », sans vieillissement (un new make dirions-nous aujourd’hui).
Le 1er whisky de grain, vieillit sous-bois sera produit entre 1882 et 1903 (date de fermeture), à Croisset-Rouen et sera un distillat de maïs.
Les années 1930 voient une profusion d’initiatives, entre fraudes diverses et mélange d’alcools neutres avec du malt écossais, sous couvert d’une réglementation mal définie et jusque dans les années 1970 où le « Royal n°1 » nommé également « le Biniou » reste un assemblage Franco/Ecossais à 98% d’alcool neutre et 2% de malt écossais.
Le « vrai » 1er whisky Français naîtra seulement d’un article du Monde paru en 1983 (année de distillation du 1er jus) et se nomme WB (Whisky Breton) de la distillerie Warenghem, qui sera commercialisé en 1987 (25% orge et 75% de grain), et le 1er Single Malt ne sortira qu’en 1998, toujours issu de la distillerie Warenghem avec le lancement de la marque Amorik.
Si aujourd’hui les Single Malts sont la référence, ce n’est qu’en 1987qu’est lancé par United Distillers, les Classics Malts, qui révolutionnent l’univers du whisky et de son caractère.
Il aura encore fallu quelques années pour voir apparaitre des embouteillages plus qualitatifs et moins réduits que les premiers 40% qui faisaient la norme de l’époque.
Peut-on encore parler de « retard », dans la production française de whisky, puisque son histoire commence finalement au moment où le blend n’est plus la référence des amateurs.
Parallèlement, un coup de tonnerre vient grandement bousculer la suprématie écossaise en 2001, avec le classement du « Best of the best » classant le « Yoichi 10 ans single cask » n°1, immédiatement suivi par le blend de Sintory « Hibiki 21 ans ».
Alors, bien sûr nous pouvons parler de « retard », dans l’art de distiller et de malté du grain par la France, mais pouvons-nous parler de réel retard lorsque nous évoquons notre expérience de distillation et d’élevage.