Ce huitième accord n’est ni un ajout ni un final. Il est une pause centrale, une respiration volontaire au cœur du parcours, née d’une expérience, d’un besoin ressenti, d’une sérendipité devenue évidence — une obvie à l’équilibre de nos soirées.
Placé en milieu de repas, il agit comme un trou Écossais réinventé : non glacé, mais vibrant, profond, enveloppant, et délicatement aromatique. Il peut s’associer à un sorbet ou à une composition plus audacieuse, toujours pensée pour ressourcer plutôt que prolonger.
Ce whisky, choisi avec autant de soin que les autres, offre au palais un moment de détente active, une suspension des tensions aromatiques, une méditation sensorielle. Il invite à ralentir, à revenir à soi, à écouter le silence du palais.
Ce moment est conçu comme un interlude idoine, propice à la philosophie interne, à l’introspection douce, à la concentration sur notre ressenti. Il permet à chaque convive de laisser infuser les accords précédents, de préparer l’éveil des suivants, et de goûter l’instant avec une conscience renouvelée.
Il est le centre respiratoire de l’octave, le point d’équilibre entre les tensions et les résolutions, entre la matière et le sens.
Il ne s’annonce pas, il se découvre.
Il ne s’impose pas, il s’offre.
Il est l’acmé holistique malgré lui, celui qui temporise tel un hiératique l’événement en un moment compendieux.
Et parfois, dans ce silence suspendu, un sourire naît, une pensée s’égare, un souvenir affleure… Et l’on se surprend à jubjoter — à vouloir revenir dans ce rêve gustatif, juste pour en connaître la suite.
Il est des instants qui ne s’expliquent pas. Des accords qui ne se décrivent pas. Des silences qui ne s’interrompent pas.
Ce huitième accord, ce souffle suspendu, nous invite à momijigari — à contempler ce qui tombe, ce qui passe, ce qui colore le temps. Il nous offre l’opacarophilie — ce plaisir doux de voir le ciel s’embraser, comme si le monde retenait son souffle. Et parfois, dans l’éclat discret d’un verre, dans la chaleur d’un regard, dans la rémanence d’un arôme, surgit l’auroraphilie — ce frisson de l’aube, ce moment fragile où la nuit se dissipe et où le jour ne sait pas encore qu’il commence.
Nous jubjotons — dans le creux d’un rêve gustatif, à la lisière du souvenir et du désir, là où le goût devient mémoire, et la mémoire, promesse.